Restaurant Château Cordeillan Bages

Un dîner chez Thierry Marx au Château Cordeillan Bages se mérite.

Dans une somptueuse demeure bordelaise construite en pierres de maître (un vrai château en somme), la salle à manger de Cordeillan Bages allie l’ancien et l’ultra moderne.

Côté cuisines, Thierry Marx pilote sa brigade comme les dernières formules 1 : il innove, innove, invente, modernise, rajeunit et innove encore à une vitesse effrayante.

La myriade d’amuses bouches balaye d’entrée tous les préjugés et les a priori : la crème brûlée est au hareng, le macaron au foie gras, la soupe de poisson au jus de clémentine, le lapereau confit aux épices, rien que cela, on est dans le « Cinquième Elément » de Luc Besson. Les saveurs sont nettes comme des touches de couleur, tel Van Gogh avec ses verts et ses jaunes, Thierry Marx est sûr de son art.

Le foie gras poêlé, pêche et cordon de porto est net et sans bavure. L’alliance est là, affirmée, presque classique.

Le turbot en croûte d’épices, jus crémeux et bâtonnets craquants, servi sur un plat en verre ultra design nous fait basculer dans le XXIIème siècle. D’un coup, comme on ouvre une BD d’Enki Bilal, on rentre dans le surnaturel, dans le monde des créatures mi homme mi poissons, des étrangetés difformes et magnifiques, si bien dessinées et aux couleurs vives. Poursuivant dans les contrastes, on nous sert un verre de Baron d’Arques, le vin rouge produit par Rothschild dans le sud ouest de la France, charpenté et gorgé de soleil. Explosion de couleurs en bouche, saturation des papilles, échanges de gras et de soie, le vin comprend le langage du turbot et lui parle.

Et puis l’agneau de Pauillac s’immisce, discrètement, en 5 façons : côtelette, épaule, selle, poitrine farcie, saucisse d’abats, jus d’agneau aux jeunes légumes, la ronde des morceaux vire à la démonstration. La côtelette nous atteint jodan comme un mawashigeri, l’épaule est un tsuki bien porté et chaque morceau un nouvel impact plein de sensibilité, de tendresse (consistance de l’agneau inégalée) et d’une perfection gustative inouïe. L’agneau de Marx vient de la planète Mars, incontestablement supérieur à celui du Meurice, celui de Régis Marcon, celui de Senderens, celui de Chibois. Une grande leçon de mouton entre réalité et science fiction. Saint Emilion Grand Cru 1993, vin divin.

Le chaud froid de pomme coing vient d’une autre galaxie et à l’instar de Richard Branson et ses navettes de l’espace, Jean Michel Cazes, milliardaire du Pauillac, nous invite dans son vaisseau bordelais à faire le tour des étoiles.

Les autochtones ne s’y trompent pas, on dit déjà au village qu’au Château Cordeillan Bages, ces types ne sont pas humains.

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