Restaurant Jacques Decoret

Grand restaurant Vichy Allier

Par julie
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D’autant plus étonnant que l’enchaînement des plats fut comme une série de questions auxquelles les réponses sont des évidences.

« L’huitre du troisième millénaire » répand un sourire contagieux.

« Alors, vous mettez le sac plastique dans votre bouche, vous tenez le nœud dans votre main, surtout vous fermez bien la bouche pour ne pas retapisser le restaurant – bon courage car en plus il vous les a faites particulièrement grosses-, et vous croquez. Vous verrez le sac va céder et libérer le jus. Vous pouvez ensuite retirer le sac de la bouche. »

Le ton est donné et l’accent résolument du pays.

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L’émulsion réchauffe chaque recoin du palais, l’huître liquide implose comme un tsunami au lait.

L’effet est bœuf, on est sous le bluff.

Je souhaite à tout sac plastique de finir en huître virtuelle au lieu d’étouffer les précieuses tortues marines qui les prennent pour des méduses au gré des océans. Quelle horreur de mourir noyé suite à l’idée qu’on allait festoyer. Recyclez les sacs plastiques, protégez les tortues. Amen.

Je passerai rapidement sur un plateau d’amuse-bouche étonnant mais qui n’était rien tant il ne servait qu’à débuter le repas. Hormis qu’il sorte directement d’un épisode de Star Trek avec son look seventies en plastique vert flashy et ses compartiments, hormis le contraste saisissant entre la progression des salés et l’arrivée soudaine de l’humide, la série de grignotis fit mieux qu’alterner les saveurs. Des légumes multicolores, de la friture de petits poissons au citron thaï et au poivre fort, des lamelles de pomme de terre caramélisées de vinaigre et épices, les papilles chatouillées de gras et de citron, de balsamique et de paprika, s’assèchent progressivement jusqu’au tartare de saumon et radis qui s’impose, comme l’oasis au milieu du désert.

Il fait bon terminer ce plateau, comme dans la vie, on avance des extrêmes vers l’équilibre, et au final, l’appel de tous les sens engendre la faim !

C’est alors que se présente une planche en bois fumante : verre en plastique dévoilant trois couches de crème brune, coque de marron incandescente comme un charbon, petit rouleau de journal coloré à la pliure parfaite contenant des cerneaux de marrons grillés : l’œil est ébahi, la bouche salive autant qu’un setter à l’arrêt devant le cul d’une perdrix, et le museau, à l’instar du setter, se met illico à crépiter d’envie. Les coques fument et charment l’odorat, la serveuse nous recommande aimablement de renverser notre cornet dans le verre. Chose dite, chose faite, nous entamons la « bonne dégustation M’sieurs Dames ». Jamais on n’aurait idée de commander une crème de châtaignes à la carte et c’est une grave erreur, quel délice, les parfums sont authentiques (ou le paraissent) et du mélange forestier ne se dégage qu’un qualificatif : prodigieuse harmonie.

Vient le tour du foie gras poêlé. Exercice périlleux par excellence, le foie gras demeure diablement difficile à réussir. Tantôt trop gras, tantôt pas cuit, parfois rendant trop son jus, je ne l’ai apprécié qu’en de rares occasions. Là, il était incomparablement exécuté. Un régulier dessin de grille ornait la belle escalope à la consistance impeccable, cuisson judicieuse et garniture irréprochable : jus de choucroute à l’appellation clin d’œil (« choucroute imaginaire »), feuille de chou, purée de chou rouge, graines de cumin, tranche de lard. Bref un joli concile autour du roi canard qui, couronné d’une exceptionnelle cuvée Marie 2003, virevolte encore au palais. Pour la petite histoire, cette année-là, Charles Hours, propriétaire à Jurançon, a tellement laissé la nature faire son œuvre que la canicule a trop sucré les raisins. Ne souhaitant rien trafiquer ni enlever d’alcool, le breuvage affiche 15 degrés et ne peut prétendre à l’appellation Jurançon sec. Son auteur a derechef décidé de le déclasser et a déniché une appellation d’origine grecque « vin de raisin sur mûri ». Pour les papilles et malgré les détracteurs foireux, ce vin est sans pareil ! C’est le cru hors norme d’un vigneron d’exception qu’on retrouve partout de Troisgros à ma cave, c’est un bouquet inconnu, il y a du madère, il y a du corps, il y a du gras, pour le plus grand bonheur du foie.

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Et que répondre face au Mac Donald façon coque de pain aux escargots persillade et saint nectaire fondu ?

D’abord, que vous voyez arriver une vraie boîte d’un vrai Big Mac de chez un vrai Mac Donald.

Vous savez bien, l’étui en polystyrène qui borde les autoroutes, la coque de couleur jaune qui passe au micro ondes ? Au moins Décoret recycle l’usagé, pas de pollution, la planète en a bien besoin, que les boîtes servent et servent encore.

Tel Monsieur Cyclopède, tout sourire, imaginez-le serrant dans sa main un poussin sanguinolent en vous toisant fixement : « étonnant non » ?

Sensationnellement machiavélique le Mac Do ?

Les serveurs lèvent la cloche en plastoque, le fond de la boîte est percé, un nugget sphérique a éclos.

« Surtout ne tranchez pas la coque de pain au couteau, vous risquez l’explosion et de vous tâcher, piquez d’abord avec votre fourchette, ça permettra d’évacuer l’air qui est sous haute pression ».

Ouh la la ! Décoret techno, c’est Ben Laden au Mac Do : poseur de bombes dernier cri.

Oui mais pour des bombes aux escargots enrobées façon croquette extra fine de pâte à chou et garnies de beurre à l’ail et estragon fondu, n’importe qui se convertirait.

Vivent les attentats dans la bouche,
Vivent le Mac Do et George Bush
Et seulement à ces conditions :
Escargots en ventrue ration,
De fromage pansue portion,
Au lait cru une obligation.
Et ce, pour TOUS.

Là-dessus Saint-Romain saves America et c’est tant mieux.

Après le Mac Do, l’oursin : brouillade d’œuf, cresson et oursin escorté de corail. C’est bon, c’est fin, c’est l’oursin.

Les textures s’opposent et s’interpellent, c’est léger, ce ne sont que trois bouchées. Ce sont les trois Grâces des romains et des étrusques, restaurées par Jacques Décoret. Si vous aviez un choix à faire, vous ne sauriez pas laquelle choisir et comme elles sont toutes bonnes, vous goûteriez les trois. L’oursin est un mets rare, généreux, iodé qu’il faut bien honorer trois fois.

Maquereau croustillant, fils craquants de betterave, sauce marinade. J’ai lu ce plat comme une volonté de faire voyager l’auvergnat, de l’initier à la cuisine nipponne. Servi avec des baguettes en bois dans une coupe rectangulaire, le maquereau est au jus de soja. Pas facile à attraper, il est surtout délicat, raffiné et suave. On sent une marinade, on sent un peu de vin blanc, un peu d’acidité et le charme des sauces salées asiatiques. Surprise encore, saisissement autour d’un poisson oublié car trop accessible. Il faut réhabiliter le maquereau, sa peau est si jolie, ses stries si brillantes et sa chair si onctueuse que tout maquereau devrait être si dignement  honoré. Décoret met sur le devant de la scène les faibles, les discrets, les authentiques, il les magnifie avec l’envie de faire découvrir.

Il existait le saba sushi, il y aura bientôt le maquereau Décoret, plat japonisant le plus connu d’Auvergne : il faut faire voyager l’auvergnat. L’ours a besoin de prendre l’air, surtout après 50 ans d’hibernation. Comme il ira rarement au nord de la Loire et sûrement jamais au Japon, il est bon que le Japon vienne à lui, comme ça, un midi, naturellement, au pays des pastilles et de l’eau qui va fort.

Et tant qu’on est dans l’eau, restons-y car le roi rouget, de roche, le barbet, lui aussi, s’est fait attraper. Désarêté, il flotte sur son foie en purée. Avez-vous déjà mangé la purée de foie de rouget ? C’est délicieux, c’est la saveur de rouget de roche, mais relevée, puissance 10. La sauce au foie de rouget est au rouget ce qu’est la rouille à la bouillabaisse, incontestable et nécessaire pour relever dans le ton juste. A gauche, des rubans de carottes, autre révélation. Sucrée, la carotte fond et exhale l’inconnu. Mais que c’est bon, que c’est bon, la carotte. Quand Décoret sort sa carotte, Passard est égalé. D’empereur du poisson, il est devenu seigneur des légumes.

Commandez le rouget, c’est un intense bienfait.

J’ai déjà évoqué la viande et ne reviendrait pas dessus, ce fut un couronnement.

Le plateau de fromages a peu d’égal tant l’affinage est rustique et la sélection bien faite. A la bufflonne répond le Lavort alors que les petits chèvres sautillent sur la table, le vieux Salers emporte tout, les bleus et fourmes sont autant égueulées que le cratère du Puy de la Vache, le Saint-nectaire s’épanche en coulant et les artisons, braves petites bêtes qu’on ne retrouve guère plus que chez les vieux corses ou au fond du Cantal, de l’Aubrac, des Alpes ou des Pyrénées, sont ici remis à l’honneur : ça grouille de vie, d’odeurs et de vrai goût.

Le pré-dessert est exquis, « ouf réel ou iréel » et le dessert terrible : la brioche aux pralines.

Brioche légère façon pain perdu, crème de pralines, glace à l’amande, le tiède se mêle au glacé, la crème à la sauce de la glace, l’amande craque sous la dent, la brioche se détache, tout s’entrelace, chaque élément interpelle son voisin, les textures se succèdent et se confondent, quel panache, nous terminons sur un feu d’artifice régional, un 14 juillet local, la tour Eiffel est loin, la foule aussi, on voit s’ouvrir droit en face, l’accès au paradis.

Souvent dessert est déception, à 16 heures il fut émotion.

Parfait : achevé avec le souci de la perfection, sans défaut, excellent.
« Synonymes : accompli, achevé, bien, consommé, impeccable, irréprochable, fini, incomparable, bon, idéal, franc »

Imparfait : « système de formes temporelles dont la fonction essentielle dans les langues indo-européennes était d’énoncer une action en voie d’accomplissement dans le passé et conçue comme non achevée ».
L’autre jour, je déjeunais au restaurant Jacques Décoret à Vichy , il faisait beau et l’instant était impérissable, il fallait trouver le moyen d’y retourner.

Jacques Decoret

Grand restaurant Vichy Allier

7 avenue de Gramont
03200 Vichy
04 70 97 65 06

jacquesdecoret.com

Jacques Decoret

Grand restaurant Vichy Allier

7 avenue de Gramont
03200 Vichy
04 70 97 65 06

jacquesdecoret.com

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