Le Clos des Cimes

Restaurant Régis et Jacques Marcon

Par julie
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Cette critique date du mois d’août 2007. Ici, vous pouvez lire une critique plus récente du restaurant le Clos des Cimes

L’œil n’est pas habitué à un tel talent d’architecture de troncs et d’écorces mêlées. Devant, les montagnes ondulées à l’infini verdoient, virent au kaki foncé pour plonger dans le noir intense quand le soleil ne donne plus rien à voir.

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Les images dans la salle prennent alors le relais, peintures modernes de paysages, jaune vif des blés mûrs, forêt stylisée. Sur la table, la décoration se fait remarquer : herbes folles, fleurs des champs colorées et jeune cèpe, éphèbe aux proportions justes et parfaites sur une feuille de châtaignier luisante et lustrée.

L’accueil est divin de simplicité et de chaleur humaine, de sourire et de gentillesse. On est ici chez soi un soir exceptionnel où chacun affiche une paisible bonté. On devine la sagesse, l’application et la bienveillance, la joie profonde de vivre et de recevoir des maîtres des lieux et de Régis Marcon.

Ainsi vont le cadre et l’accueil de ce lieu remarquable qui, comme l’écrivent nos amis poètes du Guide Michelin lors de leurs envolées lyriques, « vaut le voyage ».

Discrètement, les premiers amuse-bouche pointent leur nez. Etudiés, ils épousent les formes et les couleurs de la table. Le foie gras aux griottes, pour commencer par la fin, emporte le palais qu’une mini tarte à l’escargot a réveillé, qu’une lichette de sardine sucré salé impeccable a éduqué, qu’une gelée aux herbes, fruits et fromage frais a rafraîchi. Les amuse-bouche sont dignes d’un bouquet final de feu d’artifice ; on ne vit pourtant que l’ouverture d’une longue marche vers la célébration d’un génie culinaire -un peu trop- obsédé par l’herbe folle et les champignons.

Pour révéler toutes ces saveurs, le Condrieu proposé au verre est naturel, presque évident et pas cher payé (9 euros le verre) pour admirer la vue. C’est la fête tranquille, un festival gastronomique dans une ambiance zen et apaisante.

A l’occasion du menu dégustation d’août, la truffe d’été s’empare du premier rôle. D’essence divine, l’impératrice des champignons emporte tout dans son sillage. Rien ne résiste à ce goût puissant qui évoque à la fois la truffe et l’ail, peut-être aussi un vieux parmesan. C’est sûr le produit est TOP. Il se suffit à lui-même, il est énorme.

Je comprends moins bien la gelée de champignons d’en dessous et le fruit en rémoulade qui accompagne. Pour moi ils apportent peu au plat, seule la truffe compte et se dégage. Le reste a l’air complexe, sûrement difficile à préparer et à dresser mais je n’arrive pas à l’associer correctement à la truffe d’été, affaire de goût ?

Ce qui suit balaye les doutes : grosse langoustine, cuisson millimétrée, bouillon de crustacés corsé à souhait, chanterelles grises presque fondues et surtout 5 herbes aromatiques. Dans une cuiller, un morceau de langoustine, une herbe, une saveur nouvelle, une texture domptée, voilà ce que j’étais venu chercher chez Régis Marcon, 3 macarons Michelin : la rigueur de la cuisson, l’extrême qualité du produit, le voyage dans les gammes de goûts. A l’instar des vaches, je mange des fleurs et c’est drôlement bon, c’est tantôt acidulé, tantôt épicé, tantôt doux, ou bien fort, ça varie, ça s’oppose, ça se complète, c’est une belle escapade complexe; avec Régis Marcon on « fait le tour du pré ».

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3ème service, nouvelle révélation. L’omble chevalier devait être très gros car le tronçon est d’une dimension rare. La cuisson est juste, encore, et la chair est tendre. La crème de mélisse se marie si bien au poisson d’eau douce. Le décollage est imminent, pendant la jouissance du palais, le cerveau s’envole, ce plat est énorme, osé, immense. Comme avant de mourir, je suis assailli de mille images en un éclair : la truite fario du pêcheur hors pair qu’était mon grand-père, sa chair délicate, ce goût puissant et particulier du salmonidé d’eau douce, la crème qui relève et amplifie ce bonheur, les infusions à la mélisse du jardin de mamie, les girolles qu’on cueille l’été et l’automne avec papa, Régis Marcon me prend par les sentiments, j’étouffe un sanglot, je trésaille, je me ressaisis. Je viens de prendre une claque, un grand dégagement, ça déride les papilles, le plat est puissant, le poisson est magnifié, il a du goût. Cette assiette « vaut le voyage », la prochaine fois que je viens, je mange à la carte, une entrée… et l’omble chevalier. L’omble chevalier, c’est Zeus qui tient des éclairs dans la main, c’est un Rodin, imposant, massif, emblématique, posé sur son socle moelleux. Quant au lit de girolles jaunes relevées de mélisse et d’une meilleure sauce ouvrière de France, il tire plus vite que son omble.

La courgette ronde d’après est très classique, farcie de jeunes girolles et d’autres champignons, couronnée de lamelles de jambon, assiégée d’un sabayon aux cèpes, elle est digne, elle est bonne, point, sans moins, sans plus. Elle mérite un macaron, ou deux, allez deux à cause du sabayon, gourmand mais pas forcément très régime, et ça se sent un peu.

Vient le milieu du repas : il y a autant de points communs entre un trou normand et l’infusion de champignons de Régis Marcon qu’entre un bucheron canadien et une drag queen.

En guise d’aide à la digestion arrive une tisane chaude façon café à l’italienne.

Le breuvage a une violente odeur de cèpe sec et de coulemelle ridée. De retour à la maison, ma femme me soumet à l’interrogation de rentrée : « quel est l’intérêt du jus de champignons de Régis Marcon ? – Franchement aucun… ».

Après la tisane, deux phrases me viennent à l’esprit : « la logique n’est pas de ce monde », et « tu penses trop ». Ca doit être ça, l’infusion n’est ni logique ni interprétable. Elle n’évoque rien, rien de fort. Elle me donne l’impression d’avoir envie de faire original par attrait ou défi de l’original, et puis j’essaye de ne pas trop y penser, je ne comprends pas, je ne suis pas fan.

Idem pour la glace au bleu sur lit de pomme fruit et cèleri. Zut, qu’est ce qui m’a pris de choisir cet intitulé ronflant au lieu du plateau de fromages ?

Une glace au bleu, même composée par Régis Marcon, ça ne rime vraiment à rien, c’est comme un fondant au chocolat avec du camembert au milieu ou un reblochon frit à la confiture de myrtilles, stop à la créativité, stop aux essais, stop aux tentatives alchimistes. Revenons aux basiques, à l’école de cuisine, à la rigueur, au bon vieux plateau de fromages affinés, au cœur à la crème coulis de myrtilles maison, au bleu frotté à la marjolaine… ça oui, on en redemande, mais n’allons pas chercher trop loin ce que personne n’a jamais osé ni apprécié, pour le seul plaisir de transgresser. Je ne suis pas d’accord avec l’infusion, ni avec la glace au bleu, c’est dit.

Avant le bleu, il y avait l’agneau, côtelette caramélisée (légèrement trop sucrée ? un peu trop cuite ?), une bonne cassolette de cèpes et girolles, un très bon nem d’agneau, une brochette de ris, du très bien et du « moins très bien » mélangés pour un plat globalement bon.

Afin de me réconcilier avec le pays et Régis Marcon, je choisis le dessert à la myrtille et à la verveine, un classique me dis-je, un millefeuille, superbe et onctueux, un vrai grand dessert, plusieurs saveurs, de la pistache… le dessert léger et alléchant qu’on voudrait déguster tous les soirs. Ladurée peut aller se coucher, Passard et son mille feuille aérien retourner en cours chez Cordon Bleu. Le produit du pays est mis sur un piédestal, il est sacralisé par une assiette époustouflante.

Mes collègues, appâtés par l’innovation, goûtent à la banane flambée, caramel de morilles (!), je goûte à mon tour une morille qui n’a aucun intérêt, pour mon palais, et c’est vraiment dommage de prendre au sucre ce champignon si noble quand il est crémé, fondu dans le vin jaune, magnifiant le poulet de Bresse, assaisonnant le rôti du veau ou que sais-je encore ? Aïe aïe aïe. Pourquoi cette démesure créatrice, un peu gâchis à mes yeux ?

Pourquoi cette volonté de faire partager l’original pas bon ? La banane et la morille ? Ca me rappelle un essai de pommes de terre à la confiture, que j’avais fait devant mes parents éberlués et que je n’ai jamais ré expérimenté, à raison.

Une dame de la table à côté s’exclame « c’est immangeable ce chocolat au cèpe », je goûte à mon tour, je trouve qu’elle a raison ! Quelle cruauté de sécher du cèpe pour le mêler à du beurre et qu’il finisse en fourrage à chocolat ! Ca ne va pas ensemble Monsieur Marcon, restez sur vos terres, restez sur votre territoire, approfondissez votre immense savoir, votre formidable technique mais n’allez pas trop loin. Arrêtez-vous quand vous avez un doute !

Et mettez-vous à la place du client, vous qui tenez tant à lui faire plaisir et à lui donner du bonheur. Votre cuisine fait déjà formidablement voyager, l’omble est intense, la langoustine géniale, la courgette, l’agneau et la truffe réussis, pourquoi rajouter la glace au bleu, le chococèpe et tout le toutim ?

En bref un moment inoubliable pour le cadre chez Régis Marcon, l’ambiance le service on ne peut plus aimable et la bonne partie de la partition culinaire.

Nous oublierons le reste qui doit être dû à un excès de passion, de gentillesse, de générosité et de « trop vouloir bien faire ». On ne peut pas ne pas excuser ces sentiments-là quand on a goûté à l’enchantement du lieu, à l’omble chevalier, à la langoustine aux herbes du pays et au millefeuille verveine myrtilles.

Restaurant Régis et Jacques Marcon
Restaurant le Clos des Cimes
Restaurant Saint Bonnet le froid, Haute Loire (43)
Larsiallas
43290 St-Bonnet le Froid
www.regismarcon.fr

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